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Forum des Sciences Cognitives
Vendredi 11 avril 2008 - Cité Internationale Universitaire

Sciences Cognitives ?


Pour faire simple, les sciences cognitives englobent toutes les approches qui visent à comprendre le fonctionnement de l'esprit, dans son sens le plus neutre d'implication. Elles rassemblent donc de nombreuses disciplines dont le point commun est de tenter de répondre à la même question. Il s'agit d'un énorme corpus de connaissances hétérogènes et de théories sans cesse évoluantes, depuis près de 50 ans, les nombreux courants devenant tour à tour dominant ou minoritaire de manière différente dans chacune des disciplines. A cela viennent s'ajouter toutes les recherches philosophiques qui tentent de fonder, de clarifier ou de remettre en cause les concepts qui sont nécessaires à l'avancée en sciences cognitives.

La réactivité du domaine rend difficile de lister les disciplines ou mêmes les théories consensuelles qui forment le coeur des sciences cognitives. A la base, les sciences cognitives sont nées des conférences de Macy. Un certain nombre de travaux primordiaux ont eu lieu entre 1948 et 1959, notamment la théorie de l'information de Shannon (mathématiques), la machine de Turing (mathématiques), la grammaire générative de Chomski en réponse au béhaviorisme (linguistique), la cybernétique de Wiener, le nombre magique de Miller (psychologie), le champ récepteur d'Hubel & Wiesel (neurosciences), l'intelligence artificielle de Newell, la théorie des jeux (économie) et l'architecture de von Neumann (informatique) ou la rationnalité limitée de Simon (psychologie). C'est probablement l'ensemble de ces travaux qui a créé les sciences cognitives.

De manière idéale, le fonctionnement des sciences cognitives est un dialogue. Les philosophes posent un certain nombre de questions clés (philosophie de l'esprit, philosophie analytique). Les modélisateurs (mathématiciens, informaticiens, linguistes) proposent un certain nombre de réponses théoriques. Les disciplines expérimentales (neurosciences, psychologie cognitive, psychophysique, psycholinguistique) fabriquent des protocoles pour tester ces hypothèses. Ces expériences soulèvent des irrégularités qui remettent en cause les modèles et qui remontent aux philosophes, qui posent de nouvelles questions. Une autre vision est celle de Marr. Pour la comprendre, il faut envisager l'esprit comme un système matériel de traitement de l'information (cognitivisme), qui plus est largement modulaire (Fodor). Dans un premier temps, les expériences déterminent le format fonctionnel des entrées et des sorties des modules (niveau computationnel). A partir des données expérimentales, les modèles déterminent la nature de la fonction operée entre l'entrée et la sortie (niveau algorithmique). Enfin, les neurosciences déterminent par quel moyen physique la fonction a lieu dans le cerveau (niveau implémentationnel). Les études neuropsychologiques (l'étude des conséquences cognitives des lésions cérébrales) ont imposé l'idée que les modules fonctionnels de traitement correspondaient souvent à une localisation cérébrale. Renforcé par le développement de l'imagerie cérébrale humaine (PET, IRMa/IRMf, EEG, MEG), cela a permis d'attaquer le programme de Marr par l'autre bout, le niveau implémentationnel, reliant les sciences cognitives aux disciplines médicales.

En fait, les sciences cognitives semblent fonctionner différemment. Chaque discipline se nourrit des connaissances de toutes les autres disciplines et apporte ses propres preuves (données expérimentales, comportementales ou physiologiques, observations de cas cliniques, réflexions conceptuelles et philosophiques, résultats de simulations et de modélisations computationnelles). De la communauté scientifique émergent deux grands courants. Le cognitivisme considère que l'esprit peut être décrit comme un système de traitement de l'information opérant sur des symboles. Il s'appuie sur certaines théories en philosophie, en l'intelligence artificielle et en linguistique. De l'autre côté, le connexionnisme prend ses racines dans le réseau de neurones formel de McCullogh et Pitts et considère que l'esprit peut être décrit par un ensemble de processeurs neuronaux formant un système dont le comportement peut être calculé par les neurosciences computationnelles et la physique statistique. La pertinence de l'une ou l'autre des descriptions et l'existence de loi-ponts fait d'autant plus débat que le processus décrit est complexe. Les principaux processus cognitifs qui sont étudiés par les sciences cognitives sont la perception, l'action, la plannification, le raisonnement, le langage, l'intelligence, la créativité, la mémoire, les émotions ou la morale.

Par essence, les sciences cognitives visent à comprendre l'esprit normal d'un individu. Mais l'étude des cas pathologiques permettant de guider cette compréhension, les travaux ont fini par englober l'étude pathologique (incluant ainsi la psychologie et les neurosciences du développement, la psychiatrie, la psycho-pathologie ou la génétique). Enfin, l'humain étant social, le domaine s'est à nouveau élargi à la cognition sociale (économie, psychologie sociale, sociologie, anthropologie).

Les sciences cognitives connaissent aussi une foule d'applications pratiques, éthiques, juridiques et surtout technologiques et médicales, des thérapies cognitives à la robotique, en passant par l'ergonomie, toutes les ingénieuries rattachées au traitement du signal ou la cognitique.


Adrien Chopin




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